Ma dernière semaine, à Navotas

Publié le par Sylvain

Plus de dix jours après mon retour, il est temps de terminer mes aventures. Laissez-moi vous raconter ma semaine à Navotas, même si je ne sais pas bien par où commencer. Il s’est passé tant de choses en une semaine !

Un petit aperçu du quartier, dont certaines rues sont inondées une bonne partie de la journée. Le mur ne suffit pas à contenir l'eau de la rivière (à gauche).

D’abord ma semaine a commencé avec l’anniversaire de Sister Anne qui a mobilisé tous les enfants du quartier. Parce qu’il fallait décorer la maison, préparer à manger, bref préparer la fête ! On se retrouve avec une trentaine d’enfants dans toute la maison pour dessiner, peindre, découper, coller… Tout ce petit monde s’affaire pour rendre la maison la plus belle possible. Bernard, lui, un petit voisin de Sister Anne, s’affaire à préparer le pancit (sorte de nouilles chinoises agrémentées de légumes), c’est sa spécialité ! Le jour de l’anniversaire, la maison grouille d’enfants. On chante, on danse, on mange mais on prie aussi, et tout le monde est heureux de se retrouver autour de Sister Anne. « Qu’elle vive encore longtemps », demandent les enfants dans leur prière.

Les enfants vivant sous le pont

Chaque jour de la semaine, nous rencontrons un groupe d’enfants différent. Les enfants des familles vivant sous le pont, les enfants des containers ou encore les enfants du quartier de Sister Anne. Avec ces enfants, nous faisons des activités manuelles dont le thème était Moïse. Avec l’un de ces groupes, les volontaires avaient fait faire des marionnettes dans le but de monter un spectacle retraçant l’histoire de Moïse. Malgré les répétitions laborieuses et parfois décourageantes, le « puppet show » a été une grande réussite ! Une bâche, une corde et quelques pinces à linge en guise de scène et les enfants ont agité leurs marionnettes devant leurs familles. C’était là un grand moment ! Le « tchic-et-tchac » géant qui a suivi, c’est-à-dire « les pouces en avant » avec une quarantaine d’enfants, a là aussi été un instant très intense !

La terre promise ! Toutes les marionnettes font la fête !

Ma découverte la plus surprenante est peut-être le rituel qui accompagne la mort aux Philippines. Il y a eu plusieurs décès dans le bidonville cette semaine, un homme de 74 ans, un homme de 22 ans, assassiné, et une mère de 37 ans, malade. Chaque fois, le cercueil est couvert d’une vitre qui permet de voir le défunt à travers. Et ce cercueil est exposé dans la maison de la famille, ou dans la rue si l’habitation est trop petite. Pendant deux ou trois semaines, le corps restera en place en attendant d’avoir assez d’argent pour payer l’enterrement. Dehors, on joue aux cartes et on parie de l’argent pour les funérailles. On pourrait être choqué par cette façon de considérer la mort d’un proche. Contrairement à nos sociétés occidentales qui veulent à tout prix cacher la mort, les Philippins apprennent à l’accepter, car effectivement, cela fait partie de la vie. La présence du corps pendant un certain temps à la maison est peut-être aussi un bon moyen de faire sereinement son deuil.

Les containers. A droite, on voit l'entrée d'un interminable labyrinthe entre les containers, là où vit un bon nombre de familles... A gauche, une "maison" sur un radeau. Au milieu, les enfants escaladent le mur contre les inondations (la "baha" en tagalog) que l'Etat est en train de faire construire.

Accompagné par un enfant, j’ai pu faire un tour entre les containers, là où habitent tant de familles. Les allées y sont très étroites, il fait sombre. Il y a plusieurs étages de planches au dessus de nos têtes, c’est là qu’ils dorment. Tiens, il y a même la télévision ! Et un sari-sari ! En s’enfonçant un peu plus, certaines familles ne s’éclairent qu’à la bougie. Mais l’accueil y est si chaleureux. Ils m’invitent à partager leur riz, alors que c’est tout ce qu’ils ont. Cette invitation me touche beaucoup, la scène est indescriptible. Même dans la misère la plus profonde, ces familles ont une immense générosité. En tant que blanc, je m’attendais à ce qu’ils me demandent un peu d’argent, et voilà que ce sont eux qui me proposent de manger avec eux ! C’est le monde à l’envers ?!

Cette semaine aussi, j’ai pu rencontrer la présidente des Philippines ! Gloria Macapagal-Arroyo en personne ! Le 15 août, nous étions invités au college des Sœurs de l’Assomption à Makati. Gloria Arroyo est une ancienne de ce college, et elle était présente ce jour-là ! Voilà pourquoi il y avait tant de securityguards à l’entrée. En tout cas, ce fut une drôle de surprise !

Gloria Arroyo, Sister Anne, et nous 4, les volontaires de Navotas : ate Palliri (Valérie), ate Couscous (Constance), Ate Capoucine (Capucine) et "ako-me", kuya Esteban...

Ce que je garderai de cette semaine, c’est cette multitude de sourires et cette joie de la part des habitants du bidonville. Oui, leurs conditions de vie sont terribles, choquantes, mais ce que je retiens, c’est cette passion de vivre que tous les enfants et leur famille ont. Ils sont réellement accrochés à la vie. Cela se traduit aussi par une grande piété populaire. Les messes aux Philippines sont joyeuses et animées. Je me souviendrai longtemps du « Papuri sa Diyos » (Gloire à Dieu) chanté de si vive voix par l’assemblée ou encore le regroupement de tous les enfants autour de l’autel à la fin de la célébration pour recevoir la bénédiction du prêtre. Et ces enfants viennent ensuite voir leurs aînés pour leur demander le blessing, certains viennent le demander à Sister Anne et aux volontaires : ils prennent notre main et la pose sur leur front. Je trouve ce geste très beau, même si je n’en saisis pas totalement la signification.

Un petit enfant du pont. A gauche, un moyen de transport très courant : le pédicab...

Le contexte est complètement différent de celui de Virlanie, et la comparaison n’est pas possible. J’ai tout de même apprécié la dimension religieuse de la mission de Sister Anne auprès des familles de Navotas, surtout dans ce pays où la religion catholique est si importante !

Et ma photo "coup de coeur"...

PS : photos de Navotas dans l'album "Manille + Navotas

Publié dans Philippines

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H
Magnifique ce blog, et les artcles sont très bien écritsMerci beaucoup pour toutanlou
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S
Oui ce site est interessant mais ou vous trouvez vous en ? . Et aussi instructif sur le niveau de vie de ces enfants. Les photos et les articles sont bien faits ; les photos sont belles. Ce que vous faites est aussi très beau, vous occuper des enfants agressés sexuellement. oui ces enfants doivent retrouver l'envie de vivre mais je pense que ces moments sont inscrits à vie dans leurs esprits. <br /> Malheureusement, l'enfance brisée est un moment difficile à passer et certains enfants n'arrivent pas forcément  à se reconstruire et garde ce fardeau sur eux comme une honte. Je pense que dans ce pays beaucoup de choses sont à faire comme dans d'autres pays et ce que vous faites est très bien et honorable. <br />  <br /> Moi je possède 2 sites http://www.atteinte-a-ma-vie-privee.over-blog.com et beyazblanc.over-blog.com venez me rendre visite et laisser moi des commentaires j'en serais heureuse
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K
Bon, je laisse finalement un commentaire sur ton blog Kuya ! En rougissant tout de même devant la profondeur des pensées de mes prédecesseurs...<br /> Content de voir que ta dernière expérience aux Philippines c\\\'est bien passé et que les pousses en avant marche toujours autant. J\\\'imagine que ça du être différent de Virlanie, tellement riche en émotion que le retour doit en être que plus dur ! (je dis pas que Virlanie c\\\'était fade)<br /> Enfin bon, c\\\'était sympa de partager la VH3 avec toi (vous les ingenieurs de Douai), de vivre l\\\'aventure dans la Rain Forest au Mt Makiling (et ses sangsues) et même d\\\'être volontaire ensemble.<br /> N\\\'oublie pas que tu es maintenant lié au scoutisme de France (quand deviens tu chef scout ?). N\\\'oublie pas non plus le 27 septembre, remet toi dans le quotidien and see you po.<br /> A+<br /> Kuya Guilhermo.<br /> Sigue !
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C
Un grand merci Sylvain pour nous avoir fait partager ta magnifique expérience...<br /> Après la lecture du commentaire (très fort)de Sylvain, je ne trouverai rien d'autre à ajouter que : lu et approuver..!<br /> Je suis encore émue par ta dernière semaine à Novatas...Je pense profondément que ce peuple vit plus près de l'essentiel...essentiel que nous, nous avons oublié...la richesse du coeur...<br /> Je suis heureuse pour toi, tu as eu l'opportunité, le courage et la volonté de réaliser un rêve : celui de la rencontre d'un pleuple, du partage et de la découverte d'une culture...et celui de se donner, d'apporter ses ressources..<br /> Je portais moi aussi ce rêve depuis 4 ans (à tel point que mes amies m'en ont reparlé hier soir : tu ne veux pas partir à l'étreanger après ton diplome..? Malheureusement, lorsque l'opportunité s'est présentée à moi, je n'étais pas encore indépendante financièrement...maintenant, tout s'enchaine si vite..le diplome, le futur métier, le doctorat de Marc, le mariage..C'est génila tous ces projets mais je regrette (j'en ai les larmes aux yeux) de n'avoir jamais pu vivre cette magnifique aventure humaine...<br /> Comme Sylvain, j'ai hate que tu puisses nous  partager (en live!) tout ce que tu as vécu au cours de ton voyage...<br /> Shalom Sylvain!<br /> A bientôt!<br /> Cécilia 
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S
Sylvain,<br />  <br /> <br /> je suis transcendé par tout ce que je viens de lire de ton expédition !!! J'ai vécu ton périple comme si j'avais vécu cette histoire, tellement empreinte de réalisme ! Les explications que tu as fournies m'ont permis de sentir les choses, de vivre cela un peu comme si j'étais allé là-bas. Cela me donne d'autant pus l'envie de partir un jour là-bas pour une expédition. Je ne sais ce que j'y pourrais faire, ni combien de temps cela me prendrait... Mais je me sens dynamisé par tous ce que j'ai lu sur ton blog !<br />  <br /> <br /> Ces gens, cette population vit dans la misère, je crois que l'on peut le dire, et pourant, chacun arrive à trouver des ressources pour accueillir l'autre, l'étranger, le gars de passage. Ils se fendent en quatre pour t'apporter ce dont tu auras besoin. Cela me rappelle dans une autre mesure la Pologne de 1987 avant la chute du Mur, où les autochtones nous donnaient le peu qu'ils avaient et nous nous sentions très gênés... Je viens de retourner en Pologne durant ces vacances, j'ai retrouvé un pays plus occidentalisé, avec des règles de vie comparables aux nôtres même si tout n'est pas entièrement métamorposé.<br />  <br /> <br /> Je crois que quelque part on devrait s'inspirer de tout ce que ces gens vivent, de vivre dans la simplicité, sans se poser trop de questions. Je ne veux pas refaire le monde, mais nous avivons actuellement dans un mon de dingue, on court tout le temps... Eux prennent le temps de faire ceci, de faire celà... C'est comme cela que je ressens leurs conditions de vie. Il est clair qu'il leur manque aussi des choses essentielles comme l'hygiène par exemple. Mai squand on regarde les sourires de ces gosses, on n'a pas l'impression qu'ils voudraient vivre avec un portable à la main, d'aller au cours de piano le lundi, au judo le mardi, à la danse le mercredi entre deux rendez-vous chez l'orthodontiste et l'orthophoniste, le jeudi à cavaler faire les courses avec la maman et les week end chez le papa...<br />  <br /> <br /> Bref, je ne veux pas m'éterniser, mais je voudrais tout simplemnt, Sylvain, Kuya Esteban (même si je ne peux pas t'appeler Kuya...), te dire "Merci". Merci pour tout ce que tu nous a fait partager durant ces semaines, merci de ta patience, merci de ton service auprès de ces populations avec tes camarades, merci de ton implication si petite soit elle mais qui a dû faire avancer un petit peu le schmilblick... Tu dois avoir des souvenirs plein la tête... Tu t'en souviendras toute ta vie tout comme ton expédition sur le Lafayette, dans un tout autre genre...<br />  <br /> <br /> Merci et à bientôt je l'espère profondément pour que l'on puisse échanger de vive voix cette fabuleuse expérience.<br />  <br /> <br /> Sylvain<br />  <br /> <br />  <br />  <br />
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